Hiroko Hori 堀 浩子
21 mars 2022Tchaco チャコ
16 mai 2022Je suis comme un cerisier japonais qui pousse après une greffe et qui a fait ses racines en France.
Je suis chanteuse lyrique, je suis venue en France il y a neuf ans pour continuer à étudier la musique. Depuis trois ans, je travaille dans un institut japonais de bien-être à Paris.
J’aime beaucoup soigner les gens, avec mes mains comme avec le chant. Quand j’étais au Japon, je donnais des concerts dans les hôpitaux et dans les maisons de retraite, pour les personnes qui ne pouvaient pas se déplacer.
J’ai commencé la musique à l’âge de quinze ans, en section musicale. Dans mon lycée, il y avait une annexe du conservatoire de Tokyo. Après, j’ai continué mes études directement au conservatoire. Au Japon, apprendre la musique est compliqué, il faut connaître les codes, ce n’était pas le cas de ma famille. J’ai dit stop au bout de deux ans et j’ai monté mon association pour aller chanter dans les hôpitaux.
Un jour, j’ai trouvé une annonce pour un stage de chant à Courchevel. J’avais envie de continuer la musique mais je doutais de mes capacités. J’étais prête à tout arrêter si mon prochain professeur m’avait jugée sans talent.
C’était ma première fois en France. J’avais vingt deux ans, je ne parlais ni le français, ni l’anglais.
Ça a été la première fois que je chantais sans peur devant un professeur. La prof du stage me disait de chanter avec ma voix, en étant libre et en étant moi-même.
J’ai voulu continuer à étudier avec elle, mais il n’y avait plus de place dans son école. J’ai pensé que si j’habitais en France, ce serait plus simple pour participer à ses stages. J’en ai parlé à mes parents et ils ont accepté que je vienne poursuivre mes études ici.
Ils m’ont toujours protégée, un peu comme une princesse. Comme ils ont tous les deux vécu à l’étranger, ils ne voulaient pas me laisser partir seule. Alors ils ont eu l’idée du chien. Nous en avions deux à la maison, mais ils n’étaient pas suffisamment dressés.
Nous sommes allés dans une école de chiens à Tokyo où le coach nous a conseillé de prendre un colley. C’est un cowboy du Texas qui habite au Japon, il a une façon particulière de dresser les chiens, pour qu’ils obéissent aux mouvements des yeux et des sourcils. Nous avons acheté Léon à trois mois, j’ai fait le dressage avec ce coach avant de venir en France. Comme ça, mes parents étaient rassurés.
C’est un chien calme et très protecteur. Il m’a déjà sauvée un jour d’un livreur qui voulait rentrer chez moi.
J’ai étudié dans une école de musique privée à Paris. Je ne parlais pas français, mais j’avais une professeure japonaise, très gentille. Elle m’a fait chanter en contralto. Après trois ans, j’ai cherché un autre professeur pour explorer toutes les possibilités de ma voix.
J’ai rencontré Sébastien Obrecht. Il m’a aidée à trouver ma voix en me faisant monter très haut dans les aigus. Je chante maintenant dans un conservatoire où je donne des concerts.
Comme quand j’étais au Japon, je voudrais aller chanter dans les maisons de retraite mais avec la covid, mon projet s’est arrêté. Je vais pouvoir le relancer maintenant.
A mon arrivée à Paris, j’ai créé l’association Le murmure pour faire des échanges culturels entre la France et le Japon. Avec mon équipe, nous avons organisé plusieurs évènements dont un grand matsuri de deux jours à l’orangerie du château de Meudon. Il y avait une vingtaine d’artistes japonais et quatre mille personnes, c’était un grand succès.
Je n’ai plus trop le temps pour ces évènements, même si j’aime beaucoup les organiser. Je fais une pause mais je referai un jour pour continuer à présenter le Japon.
Mes parents m’aident encore financièrement, car c’est difficile de vivre de la musique. Il y a beaucoup de sopranos en France, et quand on est étranger, c’est plus compliqué.
J’ai envie de vivre par moi même. Alors quand j’ai vu cette annonce pour apprendre les soins et les massages japonais pour travailler à l’institut, j’ai essayé. Je ne connaissais pas, j’étais débutante mais j’ai été très vite passionnée. J’aime communiquer avec les clientes et j’aime bien l’endroit, il y a même un coin de vente de céramiques et d’artisanat japonais.
Je suis japonaise, j’aime mon pays et je suis fière d’être Japonaise. Je suis comme un cerisier japonais qui pousse après une greffe et qui a fait ses racines en France. J’ai le Japon dans mon cœur, mais je veux exister et continuer à grandir ici, comme le cerisier.
De la France, j’aime l’histoire, la philosophie, la fierté des Français. J’aime moins les transports en commun qui sont souvent en retard. Ou la mauvaise foi des gens qui se défaussent avec les clients en disant « Ce n’est pas ma faute, c’est ma collègue ». Ce n’est pas une façon de faire, même si je sais que nous ne sommes pas au Japon où l’attention au client est poussée à l’extrême.
Chaque jour en France est un bon souvenir, surtout depuis que j’habite dans le 1er arrondissement. J’aime beaucoup ce quartier, il est très convivial, les commerçants sont gentils et je me suis fait des amis très rapidement.
Je ne suis pas rentrée au Japon depuis 2020, ça commence à faire long. En général, je vais au Japon tous les deux ans, et entre-temps ma mère vient à Paris.
A part pour voir ma famille, je n’ai pas tant besoin que ça d’y retourner, on peut tout acheter ici. Et puis je parle avec ma mère tous les jours. Avec Léon, c’est vite compliqué de voyager.
Ce qui me manque le plus, c’est la fête du nouvel an. Ici c’est juste une soirée avec du champagne. Au Japon, on est en famille, c’est très traditionnel, avec la visite au temple le premier jour de l’année. C’est un moment de détente qui permet de se reconnecter à soi, aux autres et aux esprits.
Mon coeur aimerait rester en France. J’ai quitté le Japon à vingt quatre ans, je n’ai jamais habité seule dans mon pays. A Paris, je me suis débrouillée, surtout avec les papiers, je sais faire, ce qui n’est pas le cas pour le Japon. La dernière fois, en arrivant à l’aéroport Charles de Gaulle, j’ai senti que ma maison était ici.
Peut-être qu’un jour je rentrerai au Japon, je ne sais pas. C’est mon futur mari qui décidera et je le suivrai car je reste très japonaise. Bien sûr, j’amènerai Léon. Et des livres en français, j’en lis de plus en plus. Ceux de Mathieu Bock-Côté et des livres de recettes de tous les pays car j’aime cuisiner.
Je prendrai aussi du vin et du fromage, j’adore, j’en mange tous les jours.
J'ai rencontré Ayumi à l'institut où elle travaille, je l'ai invitée à participer, tout simplement.
https://www.instagram.com/ayumi_iuchi/